« La Gibecière à Mots », fondée en 2012 par Stéphane le Mat, est une édition numérique qui vous propose des classiques de la littérature française et étrangère, « élevés » au domaine public, en ebooks.

« La Gibecière à Mots » remet sur le devant de la scène, des ouvrages que le temps a jaunis et recouverts d'une couche de poussière ; oubliés et abandonnés, « La Gibecière à Mots » vous offre la possibilité de leur donner une nouvelle place dans le présent.

« La Gibecière à Mots » fait également perdurer dans le temps des classiques plus connus.


dimanche 11 octobre 2020

Les paysans (Honoré de Balzac)


Honoré de Balzac
(1799-1850)

"À monsieur Nathan.
Aux Aigues, le 6 août 1823.
Toi qui procures de délicieux rêves au public avec tes fantaisies, mon cher Nathan, je vais te faire rêver avec du vrai. Tu me diras si jamais le siècle actuel pourra léguer de pareils songes aux Nathan et aux Blondet de l’an 1923 ! Tu mesureras la distance à laquelle nous sommes du temps où les Florine du dix-huitième siècle trouvaient, à leur réveil, un château comme les Aigues, dans un contrat.
Mon très cher, si tu reçois ma lettre dans la matinée, vois-tu, de ton lit, à cinquante lieues de Paris environ, au commencement de la Bourgogne, sur une grande route royale, deux petits pavillons en brique rouge, réunis ou séparés par une barrière peinte en vert ?... Ce fut là que la diligence déposa ton ami.
De chaque côté du pavillon serpente une haie vive, d’où s’échappent des ronces semblables à des cheveux follets. Çà et là, une pousse d’arbres s’élève insolemment. Sur le talus du fossé, de belles fleurs baignent leurs pieds dans une eau dormante et verte. À droite et à gauche, cette haie rejoint deux lisières de bois, et la double prairie à laquelle elle sert d’enceinte, a sans doute été conquise par quelque défrichement.
À ces pavillons déserts et poudreux commence une magnifique avenue d’ormes centenaires, dont les têtes en parasol se penchent les unes sur les autres et forment un long, un majestueux berceau. L’herbe croît dans l’avenue ; à peine y remarque-t-on les sillons tracés par les doubles roues des voitures. L’âge des ormes, la largeur des deux contre-allées, la tournure vénérable des pavillons, la couleur brune des chaînes de pierre, tout indique les abords d’un château quasi-royal."

Le comte de Moncornet, ancien général d'empire entiché de l'ancienne aristocratie, a acquis le château des Aigues (Bourgogne) et son vaste domaine. Mais il se met très vite à dos le monde rural et les notables. Une guerre sournoise s'instaure...