« La Gibecière à Mots », fondée en 2012 par Stéphane le Mat, est une édition numérique qui vous propose des classiques de la littérature française et étrangère, « élevés » au domaine public, en ebooks.

« La Gibecière à Mots » remet sur le devant de la scène, des ouvrages que le temps a jaunis et recouverts d'une couche de poussière ; oubliés et abandonnés, « La Gibecière à Mots » vous offre la possibilité de leur donner une nouvelle place dans le présent.

« La Gibecière à Mots » fait également perdurer dans le temps des classiques plus connus.


jeudi 21 mai 2020

Le pressentiment (Emmanuel Bove)

Emmanuel Bove (1898-1945)

"Le 13 août 1931, sur la fin de l’après-midi, un homme pouvant avoir une cinquantaine d’années montait l’avenue du Maine. Il était vêtu d’un costume foncé et coiffé d’un feutre d’un gris clair passé. Il portait quelques provisions pour son dîner, soigneusement enveloppées et ficelées dans un papier marron. Personne ne le remarquait tant son aspect était quelconque. Sa moustache noire, son binocle, sa chemise à grosses rayures, ses chaussures de chevreau craquelé comme un vieux vase, n’attiraient en effet pas l’attention.
Au coin d’une rue, il s’arrêta plusieurs minutes pour regarder jouer des enfants, sans se demander si sa curiosité allait provoquer un attroupement. Il avait l’expression attendrie d’un père à qui la mort aurait ravi un fils. Plus loin, pour entrer dans un bureau de tabac, il dut traverser l’avenue. Il le fit avec d’innombrables précautions, un bras levé pour attirer l’attention des chauffeurs, dans le sillage d’une voiture d’enfant. Il faisait lourd. Le ciel était couvert et pourtant la lumière était aveuglante. Les camionneurs, nombreux dans ce quartier proche de la gare Montparnasse, avaient ôté leur veste. D’un siège à l’autre ils échangeaient des injures aussi naturellement qu’on respire, et cela dans l’indifférence générale. À la hauteur du cimetière, Charles Benesteau – ainsi s’appelait cet homme – tourna à droite dans la rue de Vanves. Deux cents mètres plus loin, il s’arrêtait devant une maison à la façade comme noircie au fusain. Sur un côté de l’entrée, une plaque signalait aux passants l’existence d’un certain docteur Swartz, spécialiste des maladies de la gorge. Sans frapper, il ouvrit la porte de la loge, en disant : « C’est moi », prit un journal déposé à son intention sur un petit guéridon, et commença à gravir l’escalier."

Charles Benesteau, avocat réputé, abandonne tout : carrière, famille, domicile. Il ne supporte plus l'hypocrisie qui l'entoure et part s'isoler dans un quartier populaire...


ISBN : 9782374636351

1,99 €

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